Dans la boîte magique (Kang Woo Seok)

Pourquoi sommes-nous autant enfermés dans nos bulles ? Je pense que l'humanité ne s'est jamais sentie aussi seule avec toute cette technologie. Pourtant, il est plus simple de se joindre, de communiquer, enfin, c'est ce que l'on croit. Ce qui doit, à la base, nous faciliter la tâche, n'est t-il pas en train de bousiller le peu de sociabilité que nous avons ?
Bruit de klaxon. Je manque d'écraser quelqu'un avec mon scooter. L'attention perdue dans son gadget, il a traversé sans se soucier de son environnement. Aujourd'hui, c'est à peine si les gens se considèrent entre eux. Tout le monde doit quelque chose à quelqu'un, toute personne est soit disant redevable. Pour chaque personne, le centre de la Terre est à eux. Les gens deviennent de plus en plus individualistes.
Je suis arrêté au feu rouge. À cause de l'inconscient, j'ai loupé le vert. Il faut savoir gagner en patience pour apprendre à vivre ensemble.
Papa, toi, tu as su rester calme avec deux terribles jumeaux. À chaque fois, quand j'y pense, je me dis que tu as été si fort et courageux. Tu es l'exemple même de l'homme que j'aimerais devenir. Moi aussi, un jour, je serais brave.

Elles sont passées où mes clés ? Je pensais pourtant les avoir mises dans la poche intérieure de mon sac à dos. Je fouille, encore et encore, mais je ne trouve rien. C'est constamment la même histoire. Ça me saoule et ça me fait tirer un long soupire d'agacement. Puis, j'entends du bruit. Mince, que je suis bête ! J'ai oublié que mon cuisinier est déjà chez moi. D'ailleurs, c'est pour cette raison que je ne trouve pas mon trousseau, je le lui avais filé ce matin pour qu'il puisse faire sa popote dans mon appartement cette après-midi. Pour ma part, j'avais eu cours depuis neuf heures du matin.
Toute à l'heure, nous avons rendez-vous avec un photographe. Celui qui bosse avec nous d'habitude est en vacances. De part son absence, nous avons appelé un autre professionnel pour qu'il puisse faire quelques shoots des nouveautés du chef, dans le but de poster les photos sur notre site et instagram.

Sans plus attendre, j'entre dans l'appartement et dépose à l'entrée mes chaussures et mon sac. Je viens à saluer mon collègue qui, à peine m'a entendu, commence à ranger ses affaires.

Tu me quittes déjà ?

Dis-je en me servant un verre d'eau. Je m'appuie contre l'ameublement de la cuisine qui ne fait qu'un avec le salon.
Mon appartement ou plutôtn devrais-je dire, mon taudis, qui se résume à une trentaine de mètres carré. On dirait presque qu'il va nous tomber sur la tête avec toutes ses fissures et ses fuites présentes dans les recoins. Pour l'instant, je m'en contente, n'ayant pas de quoi m'en prendre un nouveau et de meilleur qualité.

Tout est prêt. Dans ton frigo, au premier et deuxième étage ce sont les plats salés, et les deux derniers le sucré.

Il finit par tout ranger. Je vois qu'il a tout nettoyé de son passage. Rien à dire, c'est vraiment le meilleur employé au monde. Il est propre et appliqué. Il n'est jamais en retard et fait correctement son travail. Le meilleur !

Tu vois que d'avoir un frigo vide peut être une bonne chose !

Dit-il en me tapotant l'épaule avec une allure plutôt moqueuse. Je me mets à rire jaune parce que j'avais bien compris son pic envoyé, c'était peu subtil en même temps...
Alors qu'il s'en va pour partir, des coups retentissent à la porte.

Synchro !

Il claque ses doigts en même temps que sa remarque, le bras levé en l'air. Je le regarde en souriant, enfin... je crois sourire. Dès que la personne a frappé, directement, je me suis mis à stresser.
La curiosité me pique le bout de la langue, plus le manque de confiance en moi me fait battre le cœur deux fois plus vite.

Sans que je ne m'en aperçoive, mon cuisinier est déjà pointé à la sortie. Loin dans ma réflexion, je crois que j'ai loupé ses adieux. Alors qu'il va pour ouvrir la porte, je me précipite devant lui pour attraper la clenche en premier et ouvrir la porte un peu trop brutalement. Je cogne la personne derrière qui, vient à cacher son visage en poussant quelques bruits désagréables. Quelques gouttes de sangs tombent sur le sol.

J'suis pas croyable. Paniqué, je ne sais plus si je dois dire bonjour en premier ou au revoir. L'erreur est toujours présente. Je finis par dire bonjour à mon collègue qui part et par dire au revoir au bossu. Il n'en n'est rien bossu, mais il est courbé très probablement à cause de la douleur du choc provoqué par la porte. Le cuisinier part en se foutant de ma maladresse invaincue, puis de mon côté, je tente de réparer l'irréparable.

Je suis vraiment désolé !

Lui dis-je en me penchant vers lui, grimaçant face aux petits bruits qu'il fait. Je crois qu'il a mal... Lorsqu'il se relève, je vois qu'il saigne du nez. Cette découverte me fait écarquiller les yeux. Quel imbécile, je suis !

Oh mon dieu, vous saignez ! Venez, entrez, nous allons...

J'agite mes mains devant son nez ensanglanté.

Tenter de soigner tout ça.

Je le prends par le bras et l'amène à l'intérieur.

La maladresse ne me quittera t-elle donc jamais ? J'accumule de jour en jour les petites bêtises qui ont tendance à me mettre mal à l'aise plus qu'à m'apporter de véritables problèmes en soit. Avec les choses dont je manque de contrôle, je passe entièrement pour un idiot. J'affirme que je ne suis pas débile, je suis peut-être un peu trop malchanceux de la vie. Je suis trop souvent là, au moment où je ne devrais pas être. C'est ma tragédie.
Il faut que je cesse de me plaindre sur mon sort, car actuellement, quelqu'un saigne du nez. Il est dans un pire état que moi qui me plains de mon manque de pot. Précipitamment, je l'amène à l'intérieur de mon petit appartement. Il se tient le nez et de mon côté, j'ai ma main légèrement posé sur la sienne comme s'il ne pouvait pas s'en occuper tout seul. C'est un réflexe, alors que son membre ne va pas tomber.

Je le fais s'asseoir sur le canapé et m'envole rapidement dans la salle de bain pour prendre la trousse de secours. Lorsqu'on fait parti des Army, il est toujours utile d'avoir cet objet chez soi. Même si elle se compose d'outils vraiment basiques, elle peut sauver certaines situations compliquées.

En courant un peu partout dans le logement, je reviens muni de la trousse vers le monsieur. Je l'ouvre, sors une compresse. Mes doigts viennent toucher les siens, posés sur son nez rouge. " Excusez-moi. " Dis-je pour lui retirer doucement sa main et m'occuper de sa blessure. Je pose sans trop appuyer le tissu.
Appuyez un peu dessus pour stopper l'écoulement.
En attendant, je fouille pour trouver le désinfectant. Je prends une autre compresse pour en mettre un peu dessus. Je m'arrête devant son visage avec la chose en main.
Attention ça risque de piquer un petit peu.
La compresse mouillée d'alcool se place sur sa blessure. Automatiquement, je me mets à grimacer. Je me suis imaginé la douleur.
Vous allez bien ?
Mes prunelles se penchent dans les siennes comme si j'essayais de lire en elles, comme si elles allaient me répondre. Je m'aperçois alors en inspectant l'entièreté de sa tête qu'il a quelques tâches de sang qui traînent par-ci, par-là. Je me lève pour aller capturer un mouchoir et le passer quelques secondes sous l'eau chaude.
Avec un pas assez pressé, je retourne vers l'invité en m'accroupissant devant lui, à ses jambes. Une main sur son genou gauche pour prendre appuie, je m'approche de son visage pour retrouver les tâches et les enlever en tapotant par de petits à-coups le mouchoir mouillé. Je pouvais sentir son souffle chaud caresser ma peau de pêche.
Après un moment de silence à toujours éponger le sang, je viens à lui dire d'un ton coupable.
Je suis vraiment désolé pour le coup que je vous ai donné. Ce n'était clairement pas voulu de ma part.
Évidemment, si je pouvais faire marche arrière, je l'aurais fait pour que notre rencontre se déroule autrement que par un choc entre la porte et son pauvre nez.